A ArnaudChe : Mais si je rejette la question qui est posée, c'est avant tout parce que je considère qu'elle est extrêmement mal posée; et encore une fois, sans remettre en cause les bonnes intentions de Guile, je m'interroge sur les motivations de se poser et de poser une telle question. En outre, je ne crois pas qu'il s'agisse de broutilles, et je voudrais t'expliquer pourquoi, au-delà de ce que j'ai déjà suffisamment dit.
D'abord placer cette question ainsi, laisse entendre que tout photographe ait à résoudre un paradoxe permanent à se situer sur un axe Humilité/Créativité, et pour exagérer, je trouve la résolution de ce paradoxe comme assez entaché de totalitarisme.
Mais surtout, parce que je pense qu'il ne faudrait pas se tromper sur ce qu'est la photographie, et en particulier la photographie contemporaine.
Du point de vue du photographe, nul doute pour moi - et c'est une conviction qu'on peut ou non partager - que le plus difficile c'est de voir ce qu'on a devant les yeux. Avons-nous ce talent ou non ? Car, et il s'agira de toute la difficulté, il faudra en plus s'affranchir de la technique (la prise de vue, la lumière, la focale, l'émulsion ou le capteur, la composition, le trio diaph-vitesse-sensibilité) pour traduire cette émotion ou plus exactement celle du photographe lui-même et celle du spectateur, avec un nombre phénoménal de fausses routes !
Il n'y a pas de talent sans travail, sans plaisir, sans passion, sans âme, sans lectures, sans un apprentissage permanent, sans boulimie de "voir les images".... de "prendre"
Voici, afin qu'on me comprenne bien ce que disait à ce sujet Edward Weston :
"Ce que l'œil voit est complètement différent de ce que l'œil donne à voir.... L'œil enregistre un flot ininterrompu d'images tandis que l'appareil photo saisit un moment donné, UN SEUL, et le fixe pour l'éternité"
Et pour moi, de mettre en parallèle ce que disait Goya
"Tout l'art est dans les sacrifices et les partis pris"
Alors, le talent du photographe c'est d'arriver à traduire ses intentions, très exactement, avec le talent de l'orfèvre.
Ces intentions ne peuvent relever, à mon sens, que de l'intime. Et c'est bien le sens de ma réaction - certes quelque peu extrême, et parce que je me sens probablement très touché par cette fausse piste - de considérer que cette question n'a pas à être posée AINSI.