Savoir si l'argentique est meilleure outil d'apprentissage de la photographie car il apprend à économiser ou au contraire le numérique est mieux car il permet de faire un nombre plus important d'essai n'est à mon avis pas vraiment le problème. En effet, je ne vois pas en quoi le nombre important de prises de vue que l'on peut faire grâce au numérique serait néfaste à l'acte photographique. Après tout, le travail "artistique" se tourne dans ce cas vers la sélection à postériori et moins vers la prise de vue. Et avec l'un comme l'autre, il faut avoir un "œil" de photographe pour réussir. (De toute façon, à un moment ou à un autre, lassé du tri devant écran, le photographe portera plus d'attention au moment du déclanchement.) Concernant le soit-disant avantage de l'apprentissage par l'argentique, je ne savais pas qu'il fallait économiser les prises de vue pour faire de bonne photo. Cela vaut sûrement pour une certaine philosophie de la pratique de la photographie, mais pas pour la photographie en générale.
Je pense que la crainte que l'on peut avoir envers l'apprentissage par le numérique est en fait liée à une possible perte de l'acte photographique pure, et par là, la disparition des photographies au profit d'œuvres de graphisme assisté par la photographie. En effet le numérique offre des facilités augmentées concernant la modification de l'image de fond (ce qui pourrait entrainer, par exemple, une tendance au déclanchement malgré la présence d'objet gênant dans le cadre, car on est conscient que l'on peut les effacer rapidement et facilement avec un logiciel évolué de retouche.) Or l'image ainsi produite, est-elle encore une photo?
On doit alors se poser la question de qu'est-ce qu'une photographie. On peut suivre, par exemple, la définition de médiadico au sujet de la photographie: "Processus de reproduction d'images sur un matériel sensible, par propagation de l'énergie…" ou celle de l'internaute encyclopédie: " Art et technique qui consiste à fixer des images sur une pellicule par exposition à la lumière". On tire de ces définitions l'existence d'un lien direct entre la lumière, ou la propagation de l'énergie, et le matériel sensible, film, capteur, qui enregistre cette image. A partir de quel degré ou par quelle technique de modification, la photographie ne répond plus à ces contraintes?
Si l'on prend par exemple la modification du contraste. On peut considérer cette retouche comme des variations de la différence d'intensité lumineuse reçue par le matériel sensible. On peut donc considérer que l'image après modification contraste est toujours une photographie car la lumière d'origine est toujours là, elle a juste variée.
Par contre, l'effacement d'un objet est un changement total, le remplacement du signal lumineux par un autre, sans lien entre les deux. L'image ainsi produite ne serait donc plus une photographie. Une généralisation de ce procédé sonnerait donc la mort de la production de photographies (l'hypothèse de cette généralisation, certes peu réaliste, n'est pas complètement ridicule car le fait que l'image finale est très souvent meilleure (car conforme à notre idée de l'image) que la photographie que l'on n'aurait jamais pu réaliser par un procédé "traditionnel" encouragera certainement pas l'auteur à généraliser cette technique).
En résumer, avec une modification du contraste on joue sur la lumière, productrice de la photographie. Le résultat reste donc une photographie. En effacant un objet, on modifie l'objet même de l'image, enlevant la nature de photographie à cette image.
Donc selon moi, peut importe le procédé (numérique/argentique), avant d'apprendre la photographie, on doit être conscient de ce qu'elle est vraiment. Le "débutant" doit être mis en garde que, même si dans un processus de production d'image un appareil photographique entre en jeu, le résultat ne sera pas forcément une photographie.
Pour moi, l'un des uniques avantages de l'argentique dans l'apprentissage de la photographie est de donner moins facilement la possibilité de s'écarter de la photographie comme résultat final.