Nikkorex F,
(Je ne sais jamais si ton prénom c'est Nikkorex ou F, alors dans le doute, j'utilise les deux). Bien sûr, j'ai fait un peu de provoc', mais pas tant que cela. Je pense que beaucoup de sociétés de la chaîne photographique ont été prises dans la tourmente du passage au numérique sans trop savoir comment y faire face : les nombreuses faillittes de ces dernières années ou de ces derniers mois le prouvent.
Ce n'est pas pour embêter les amateurs d'argentique qu'AGFA disparait ou que Konica-Minolta arrête la photo ! Ce n'est pas non plus pour plaire à Dieu sait quel fond de pension américain ou japonais. Tout cela relève du fantasme altermondialiste !
Comme tu peux sans doute deviner, mon prénom n'est ni "Nikkorex" ni "F", s'agissant d'un "pseudo", bien évidemment

. Parfois, on peut avoir ses raisons de vouloir garder un minimum d'anonymat sur un forum, surtout si l'on est une personne plus ou moin publique dans une petite ville

. Je ne suis pas le seul à agir de la sorte, et il ne faut nullement y voir de la "lâcheté", seulement de la prudence (et autrement, je parlerais sans doute moins de moi-même

).
Quant aux "fantasmes altermondialistes", pas tout à fait d'accord. Certes, le but n'est pas d'embêter les clients, mais j'y vois tout de même un certain manque de respect, qui me surprend un peu dans la culture (surtout économique) japonaise, où il n'y a jamais eu
que le fric qui comptait, mais où il y avait aussi une certaine moralité, tant envers les clients qu'à l'égard des employés. Et là, c'est tout de même surtout plus plaire aux actionnaires, surtout en dehors du Japon (AGFA n'a jamais été japonais que je sache). AGFA a aussi eu une très mauvaise politique marketing et peu de produits intéressants, à quelques exceptions près mais que peu de gens connaissaient. Et même si cela ne vaut certainement pas pour AGFA ni pour Konica-Minolta, chez d'autres marques comme notre chère NIKON, je vois néanmoins, depuis de longues années déjà, une fâcheuse tendance à pousser à la consommation, en introduisant de plus en plus d'incompatibilités qui ne s'expliquent pas que par la volonté de réduire les coûts, il me semble. En matière de "culture d'entreprise", par ailleurs, on a vu que les méthodes occidentales d'un Carlos Ghosn chez Nissan, par exemple, ont certes été efficaces mais aussi eu beaucoup de mal à "passer" dans un pays comme le Japon…
Et si ces décisions étaient sages, l'avenir le montrera. Je pense que les gens, certains du moins, commencent déjà à en avoir un peu marre du tout-numérique qui, de surcroît, montre encore bien de lacunes (et qui est excessivement cher à l'achat, si l'on fait abstraction des "compacts" bas de gamme et autres "photophones"). Certaines entreprises semblent avoir compris cela, et la vague des télémétriques depuis quelques années en témoigne, même si cela n'a pas sauvé Konica. Mais Cosina se porte bien (avec leur sous-marque Voigtländer), Rollei s'est même lancé dans la vente de films et chimie N&B, et Zeiss-Ikon vient de sortir une nouvelle gamme de télémétriques. Cela "marchera"-t-il ? Pas sûr, évidemment. L'avenir le montera, encore une fois.
Mais il est peut-être parfois plus sage, surtout pour une grosse boîte avec plein de capitaux derrière, d'attendre quelques années et d'accepter quelques pertes provisoires en vue d'un succès ultérieur. Ne raisonner qu'en bénéfs à court terme ne me semble pas relever d'une conception très intelligente du "management" ! Et je suis presque sûr que, vu comment les choses sont parties (et je n'approuve pas, je constate) qu'on va de plus en plus vers une société à deux vitesses, aussi en photo : d'un côté les objets de consommation courante, bas de gamme et de piètre qualité, d'autre le "haut de gamme" pour les (nouveaux) riches, qu'il soit argentique ou numérique, aux tarifs inabordables par les communs des mortels. D'ailleurs, si l'on ne fait pas dans une tarification trop excessive, cela peut s'avérer plus intelligent aussi. Je suis sûr qu'à un niveau de prix US, le FM3A aurait connu un meilleur succès en Europe… Les Américains semblent un peu moins naïfs en tant que consommateurs et ne se laissent pas faire aussi docilement que nous (suffit de comparer les prix des voitures aussi, tant américaines qu'européennes).
Lorsqu'on apprend que les ventes de matériel argentique ne représentent plus que 5 % du chiffre d'affaires de Nikon, on comprend aisément qu'ils arrêtent cette filière, tout simplement parce que pour ces 5 %, il faut certainement mettre en œuvre des moyens assez considérables qui représentent à l'évidence plus de 5 % des investissements de Nikon. Pour être clair, Nikon perd de l'argent et sans doute beaucoup d'argent, à maintenir en production des modèles qui ne se vendent plus.
Sans vouloir comparer ma modeste maison d'édition (4 personnes) avec Nikon, j'ai essayé de publier pendant quatre ans des livres pour lesquels je savais très bien que le lectorat était limité. Mais aujourd'hui, je renonce, je ne prends plus de risques, il en va de la pérennité même de ma société. J'abandonne tous les sujets à rentabilité risquée. Il n'empêche qu'il reste une part d'incertitude, car personne ne peut être sûr qu'un livre se vende à coup sûr.
La direction Nikon n'a pas les mêmes états d'âme que moi. En effet, les chiffres parlent et c'est une évidence : tout le monde (ou presque) veut du numérique. C'est bien dommage pour le FM3a, mais qui, parmi vous, va en acheter un pendant qu'il est encore en production ? Personne... ou peut-être moi, le défenseur du numérique !
Je suis loin d'être sûr que Nikon ait fait de grosses pertes ce dernier temps, surtout au vu des prix. Et annoncer, juste après la sortie d'un boîtier numérique qui n'est plus autant hors de prix (un D100 était au moins aussi cher lors de sa sortie que le D200 maintenant) que les D1 et D2, et qui accepte les objos sans puce, la suppression des optiques MF, me paraît particulièrement farfelu comme décision. Sait-on encore ce qu'on veut ? Les caprices du marketing Nikon me rappellent un peu le bordel chez Kodak. Et on risque de voir de plus en plus de monopoles qui squattent les niches qui restent. Car, malgré tout, il reste des parts de marché, même relativement petits, où quelques inconditionnels sont prêts à dépenser beaucoup pour leur passion (et même de plus en plus, plus les produits recherchés se font rares). C'était certainement aussi le calcul derrière la tarification du FM3A, sauf que là, pour l'Europe, on semble s'être trompé en exagérant totalement. Pourquoi tout le monde ne porte pas des montres à quartz, sans pour autant forcément aller vers les Rolex et autres marques de prestige suisses ou est-allemandes ?
Ces évolutions "marketing" ne sont d'ailleurs pas le propre du numérique : depuis de longues années déjà, on n'est plus sûr, en achetant du Nikon, d'avoir forcément de la qualité. À regarder tous ces objos fabriqués en Chine à baïonette plastique et tous ces boîtiers en provenance de Thaïlande (rien contre les D70s et même le D50 pour autant — mon Pronea vient de là-bas aussi —, à part leurs prix abusifs pour la contre-valeur et le coût de production, ce qui doit donner des marges délirantes), on peut se poser des questions. Mes meilleurs Nikon sont "Made in Japan", la différence des prix cependant (supposé un achat neuf) ne reflète que très insuffisamment la provenance. Un peu comme pour les Audi montées en Hongrie mais vendues au prix fort ou les 4x4 Volkswagen et Porsche, dont une bonne partie provient de Slovaquie. Donc, oui, quand je vois des choses de ce genre (et surtout les salaires honteusement bas dans ces pays), je deviens encore un peu plus "altermondialiste" et fier de l'être, mais cela est un autre problème.
Aussi certainement à classer dans un autre fil (il y avait, dans la section "art et photo" un sur la question si la photo était un "hobby" de riches) mais pas entièrement hors sujet dans ce contexte est la question si précisément la photo n'est pas en train de le (re)devenir, reflétant l'évolution de nos sociétés vers de plus en plus d'inégalité en ce moment. Les derniers boîtiers argentiques abordables mais modernes disparaissant progressivement, je vois un peu ce risque (pour ne pas parler des prix des films et des prestations annexes). Le numérique ne s'est pas vraiment "démocratisé" pour autant, et le tarif d'un D50, comparé à celui d'un F55, les deux offrant environ les mêmes possibilités et une qualité de finition comparable (ben, soyons un peu moins injustes et invoquons le F65 plutôt, bien que ce dernier soit déjà plus performant que le D50), semble toujours aberrant. Ainsi, la photo devient de moins en moins populaire même dans les pays riches (qui, en Thaïlande, peut s'offrir ne serait-ce qu'un D50 ou même un F75, nettement moins cher mais meilleur ?), et le seul marché qui (et là, ce ne serait vraiment pas dommage, ne serait-ce que pour des raisons écologiques) devrait réellement et à juste titre s'effondrer et disparaître est celui des "jetables". Sauf que ceux-ci, sans conteste, produisaient encore de bien meilleurs résultats que la plupart des "photophones" actuels.
Donc, rien contre le numérique de qualité, à deux conditions : qu'il devienne enfin abordable et qu'il ne devienne pas la seule possibilité ! En fin de compte, il faut espérer que les Russes, Ukrainiens et autres Chinois iront nous préserver des possibilités en argentique pendant quelques années encore et qu'au moins FUJI continuera à fournir des films de qualité, devenant de plus en plus monopoliste (ce qui devrait conforter leur position sur le marché

). En ex-URSS, ces dernières années, des progrès ont été accomplis, et chez Zenit, par exemple, on a peu à peu découvert la baïonette Pentax K, le codage DX, la motorisation et même des obturateurs allant jusqu'à 1/2000 s, le tout emballé dans des boîtiers certes moins classiques et de plus en plus revêtus de plastique mais aussi de plus en plus compacts, agréables au toucher et au design qui se veut moderne. Mon Kiev est désespérément archaïque, assez limité et rustique, mais cela fait une partie de son charme, ce à quoi s'ajoute son prix à l'époque ; aujourd'hui, hélas, il est passé de quelques 50$ jadis à 200€ par endroits. Espérons qu'un jour, même en Ukraïne, on découvrira aussi l'AF, par exemple, et que chez Kiev aussi, à monture Nikon, on trouvera quelque chose d'un peu plus sophistiqué que mon 19m et peut-être même des objos à puce, en plus du modèle de base.
Non, le numérique c'est bien, sans aucun doute. Mais qu'on laisse un minimum de choix aux consommateurs ! Et je pense que le patronat ou les actionnaires seraient bien avisés de penser en des catégories un peu plus vastes et plus intelligentes que le maximum de profit à court terme. Certes, il faudrait aussi un comportement plus intelligent de la part des consommateurs. Vouloir toujours à tout prix les dernières nouveautés est certainement un peu idiot aussi. J'ai du mal à comprendre tous ceux qui ont déjà troqué tout de suite leur D70s à peine acheté contre un D200, ne possédant souvent que des objectifs "DX" et ayant revendu à forte perte. Et finalement, faut-il accepter les prix européens et, surtout, français ? Bien sûr, je veux aussi que le commerce de proximité survive. Mais je ne suis pas prêt pour autant à me sacrifier pour une cause abstraite (et je n'en ai pas les moyens). Si personne n'achetait plus en Europe et surtout en France, cela ferait peut-être réfléchir les importateurs (car je ne pense même pas que les marges des revendeurs soient aussi énormes que cela, et si elles l'étaient, ce serait en partie nécessaire aussi, puisque le volume n'y est pas).
À ce propos : où est fabriqué le D200 ? J'espère que celui-là, du moins, au Japon ! Car vu son prix, produit encore avec des salaires Thaïlandais, cela me choquerait !
@+
"Nikkorex"