Si tu fouilles dans les archives, tu trouveras certainement les explications que j'ai déjà donné.
Je vais le refaire de manière différente.
Le carton gris 18 % correspond à un sujet photographique moyen (je ne sais pas d'où ça sort, mais je ne serais pas surpris que ça dérive des travaux de recherche fondamentale faite par les laboratoires de Kodak entre 1950 et 1975) et sert de référence pour la calibration des posemètres (en pratique, les fabricants utilisent une référence comprise entre 18 % et 20 %).
A l'époque de l'argentique, il était très difficile de caler la balance des blancs sur les hautes lumières (le rendu des blancs est assez sensible aux écarts de traitement et à la forme des pieds de courbe (le rendu idéal découlant des travaux de Jones chez Kodak) fait que la réponse dans les blancs est loin d'être linéaire…), mais, avec une densité de 0,75 , le carton gris permet de juger assez facilement de la neutralité des couleurs et d'avoir une réponse à peu près linéaire (je fais une image sans filtre et une image avec un filtre de 20 cc jaune (pas des centimètres cube mais un filtre de correction couleur Wratten de densité 0,20 en bleu et 0 en rouge et en vert); la vue sans filtre est trop bleue, celle avec filtre trop jaune et la bonne couleur est pile entre les 2… le bon filtre est un 10 cc jaune).
En tirage papier argentique, au laboratoire, une densité de 0,75 est trop faible pour avoir une réponse linéaire (qui permet de déterminer le filtrage avec un densitomètre ou faire un suivi de système automatisé), les plages grises Nana-test utilisées en labo pro ou des bull's eye utilisés en façonnage amateur ont une densité autour de 1 (et la moyenne des valeurs de l'image correspondant au centre de population des images tirées par le laboratoire… mais là, on va loin dans les explications).
En voyant dans les laboratoires des nana-test (la photo d'une jolie nana avec un carton gris dans les mains), certains ont imaginé qu'en photographiant en début de film leur modèle avec un carton gris permettait de déterminer facilement la bonne exposition et le bon filtrage, le filtrage des images en serait facilité. La méthode ne marche pas (il suffit d'essayer pour s'en rendre compte). Dans mon domaine professionnel, le bon rendu colorimétrique donne un carton gris 18 % légèrement trop chaud (mais si je photographiais autre chose que mes sujets habituels, il est peu probable que ma balance avec un gris chaud soit optimale).
Par contre, en mesurant l'exposition sur le carton gris, ça marche bien (puisque le carton gris est prévu pour ça).
Là où ça coince, c'est que l'œil (et le cerveau qui est derrière) ne fonctionne pas comme un posemètre ou comme du papier photo. Il estime la balance couleur à des niveaux de densité autour de 0,40 (ce qui correspond à un gris clair mais aussi à la densité de la peau (la nana de la nana-test n'est pas là que pour faire joli)…) (en plus, en imagerie électronique, on est dans des zones où le bruit est limité si l'exposition est bonne… ce qui n'est plus vraiment le cas à une densité de 0,75 (gris 18 %))
En imagerie électronique, pour que la mesure de la lumière soit fiable, il faut de la lumière… le système de calage intégré au appareils photos comme aux caméras vidéos (numérique comme analogique) est prévu pour une mesure des parties blanches de l'image avec une optimisation automatique… pour cette usage, le carton gris 18 % ne convient pas parce que l'on perd au passage plus de 80 % de la lumière et que sa neutralité spectrale n'est pas parfaite (c'est bien mais pas suffisant en particulier aux extrémités du spectre visible limite UV et rouges lointains) (et c'est pour ça que Kodak a doté le dos de son carton gris d'une face blanche à 90 %).
A l'époque où j'étais étudiant, l'usage en cinéma était d'utiliser une charte Agfa à 12 plages (bleu, vert, rouge, jaune, magenta, cyan, blanc à 80 %, gris à 40 %, gris à 20 %, gris à 10 %, gris à 5 % et noir à 2,5%) pour l'étalonnage. Cette charte, même si elle n'avait pas une dynamique suffisante (le noir, avec une densité de 1,6 faisait plutôt gris foncé) avait de nombreux avantage sur le carton gris :
- avec 12 plages, c'était assez gros pour faire des mesures
- une plage blanche de densité 0,10 pour vérifier l'exposition en positif
- une plage grise à 0,40 pour juger à l'œil de la balance couleur
- une plage grise à 20 % (0,70 densité) pour… voir plus haut
- une plage grise à 1,00 pour mesurer les corrections couleur (dans une plage où la réponse du film est à peu près linéaire)
- une plage noire pour vérifier l'exposition en négatif
- et l'écart entre 2 plages correspond à un cran de diaphragme…
Les chartes Macbeth (aujourd'hui Xrite) sont les descendantes évoluées de cette ancienne charte (avec, en particulier, des plages couleur "à la con" destinées à détecter les dérives de reproduction).
Les photographes avaient eu l'habitude, pour les sujets critiques, d'utiliser les Color Separation Guide de Kodak : 21 plages grises de 0,10 à 2,20 en densité espacées de 0,10 (soit 1/3 de diaph) et des plages couleur totalement fantaisistes (même si la dynamique de la gamme de gris était insuffisante, la plage la plus sombre ayant une densité réelle de l'ordre de 1,9 , et que les plages étaient trop petites pour faire des mesures, ça permettait, avec l'habitude et sans matériel couteux, un travail de précision en argentique).
Une bonne charte déterminer la balance des blanc et la mesure de l'exposition (parce qu'il faut faire le tout sur la même image) par la méthode du "je clique sur une plage" devrait avoir :
- une plage blanche (coefficient de réflexion entre 80 % et 90 %)
- une plage bien noire (densité au moins 2,5… seul le système du trou du Spydercube permet d'y arriver)
- des plages grises avec au minimum des densités de 0,40 , 0,70, 1,00 et 1,30
- si possible quelques plages couleur (au moins 2 tons de carnation, 2 tons de bleu, 1 violet, 2 verts)…
- et bien sûr toutes les plages mesurées individuellement en densité,
Quoiqu'il en soit, la charte à tout faire n'existe pas… j'utilise donc toujours, suivant ce que j'ai à faire,
- deux cartons gris 18 % (j'utilise les 2 faces)
- une charte Xrite 24 plages
- une charte Scuadra 28 plages
- une Color separation guide
A l'usage, il y a peu de différence de résultat suivant l'outil utilisé (heureusement) : Color séparation guide et cartons gris et blanc / charte Xrite / charte Scuadra. Suivant les cas, certains sont plus pratiques que d'autres…
A+
Laurent Galmiche