La question sur les qualités et défauts respectifs de la visée optique et de la visée électronique n’est pas nouvelle, et les réponses non plus.
Il me semble important de différencier deux niveaux de réponse : le niveau objectif (les aspects techniques, quantifiables, etc.) et le niveau subjectif (l’agrément personnel à utiliser l’une ou l’autre forme de visée).
Sans oublier que chacune des deux expressions « le viseur électronique » et « le « viseur optique » recouvrent des réalités très différentes en interne à chacune des deux catégories.
Par exemple, le viseur optique d’un reflex numérique de haut de gamme (ex : D850) est sans commune mesure, en terme de taille, de clarté, etc., avec le viseur d’un reflex d’entrée de gamme d’aujourd’hui. Sans même parler de comparaison avec des modèles plus anciens.
Au début du numérique, j’ai trouvé que la visée optique des premiers reflex numériques était une pitoyable régression par rapport à la visée optique des derniers reflex argentiques (par exemple le F100, le F6 et le FM3a, dans mon cas).
Idem pour la visée électronique. Le haut du panier, en dalles numériques (dans un Nikon Z6/Z7, par exemple, sans forcément monter au summum d’un Leica SL2) n’a rien à voir avec les viseurs électroniques « trou de souris » d’il y a quelques années.
Sans prétendre, évidemment, à l’exhaustivité des critères pour comparer l’une et l’autre visée, j’ai tendance à retenir ceux-ci. Pour aller plus vite, j’écris VE pour viseur / visée électronique et VO pour viseur / visée optique :
- le bloc de VE est d’un gabarit plus réduit que le bloc de VO ;
- l’image qui apparaît dans le VE représente 100% du cadre qui sera photographié. Ce n’est pas toujours le cas avec un OVF, où le cadre peut être inférieur à 100 %, mais aussi supérieur (les utilisateurs d’appareils télémétriques le savent bien) ;
- le grossissement et le dégagement oculaire sont souvent « meilleurs » en VE qu’en VO, à gamme d’appareils comparables ;
- le VE permet d’afficher dans le viseur une gamme bien plus large d’informations qu’un VO. C’est pratique, sauf si ça devient envahissant, quand l’utilisateur a peu de choix sur ce qu’il souhaite afficher ou pas dans son VE ;
- la VE induit un décalage temporel (latence) entre ce qui se passe effectivement devant l’objectif et ce que l’écran du viseur projette devant l’œil. La latence est généralement faible, mais certains photographes trouvent cela gênant, notamment pour photographier des sujets à déplacement / variation rapide. J’incline à penser que ce phénomène est de moins en moins perceptible, avec la progression de qualité des VE ;
- certains VE rendent une image un peu saccadée, quand on modifie rapidement son angle de visée (de haut en bas, ou latéralement). Cependant, la fluidité s’est améliorée, au fil des modèles successifs ;
- l’image perçue dans un EVF est différente de celle perçue à l’œil nu, et donc dans un VO. Car l’image dans le VE essaie de se rapprocher au maximum de ce que sera l’image JPEG prise par le boîtier en fonction des réglages de l’exposition. C’est souvent ce point qui divise le plus les amateurs de VE et les amateurs de VO. Les amateurs de VE soulignent que ça facilite la visée en conditions de faible lumière, qu’ils bénéficient d’outils d’aide comme la loupe, le « niveau » pour vérifier l’horizontalité, l’alerte pour les hautes lumières « cramées », etc. Les amateurs de VO préfèrent la vision plus « naturelle », et s’appuient, généralement, sur leur propre expérience pour préjuger de ce que les réglages de l’exposition produiront comme rendu ; ils reprochent aussi, non sans raison, les difficultés d’un VE face à une scène très contrastée ;
- la VE permet de voir dans le viseur une image qui reflète aussi des choix de « modes d’images » particulier : la désaturation, le monochrome, le « pop art », et autres filtres de prise d’image ;
- la visualisation de la profondeur de champ est facilité par la VE, alors qu’avec un VO, il faut recourir au bouton de « test de profondeur de champ » et subir, éventuellement, l’assombrissement de l’image dans le viseur quand le diaphragme se referme à l’ouverture choisie ;
- dans le vas d’un VE sur un boîtier stabilisé et/ou avec l’utilisation d’un objectif stabilisé, l’image dans le VE est « stabilisée ». Alors qu’avec un VO, la visée n’est stabilisée que si l’objectif l’est ;
- le VE consomme beaucoup plus d’énergie que la VO ; ça impacte directement l’autonomie d’une batterie, en nombre de photos réalisables avec une charge de batterie. Même si certains modes d’affichage améliore la gestion énergétique d’un VE, ça reste nettement moins économe qu’un VO ;
- pour l’utilisation d’objectifs à mise au point manuelle, le contrôle de la « bonne » mise au point est plutôt fruste avec un VO : il se limite le plus souvent à un petit voyant vert en bas du viseur, dont la précision n’a pas grand-chose à voir avec la visée à stigmomètre ou verre dépoli des viseurs des reflex argentiques sans autofocus. Un VE, lui, offre des outils pour mieux gérer la mise au point manuelle, comme la loupe, ou la mise en relief de la zone de netteté (« focus peaking »).
J’incline à penser que la principale différence entre un VE et un VO est que le VE projette sur l’œil une « interprétation » de la scène photographiée ; interprétation qui découle des choix faits par le photographe (ou par le boîtier, selon les automatismes) selon les réglages choisis. Cette interprétation se traduira de manière plus ou moins fidèle dans le fichier JPEG qui sera produit (le fichier RAW n’est pas du tout impacté de la même manière), selon que le VE est fidèle dans les chromies, les contrastes, etc.
Tandis que le VO laisse arriver à l’œil l’image qui n’est modifiée que par la qualité de l’objectif et de l’oculaire (et du miroir ou du prisme, dans le cas d’un reflex) et les paramètres physiques de la visée (par exemple : viseur qui « couvre » 100% de l’image ou pas), et c’est le cerveau du photographe qui procède à l’interprétation. Cette interprétation repose sur l’expérience de la personne ; par exemple, « voir en noir et blanc » dans un VO, on n’y arrive pas du jour au lendemain !
A titre très subjectif, j’apprécie le VE et le VO, pour autant qu’ils soient assez « bons » pour que cela me procure du plaisir à les utiliser. En numérique, les VO des reflex D810, D850 ou D500 me satisfont pleinement, tout comme le VE du Z6. Ou, dans une autre marque, le VE de l’Olympus EM1.2. Mention spéciale aux Fujifilm de la série X100, avec leur visée qui peut basculer d’un VE à un VO et vice-versa, rien qu’en agissant sur un petit levier qui tombe très bien sous l’index.
Bref, évitons les guerres de chapelle et les tentatives de conversion forcée de « celui d’en face »au type de viseur que l’on préfère soi-même. L’essentiel, c’est qu’il y a encore – pour le moment au moins – le choix entre des boîtiers à VO et d’autres à VE, et que chacun peut donc trouver chaussure(s) à son (ses) pied(s).
Et, de toutes façons, un VO ou un VE d’aujourd’hui (ou d’hier) sera un énorme bond en qualité par rapport au viseur d’un D40x, qui est un reflex d’entrée de gamme d’il y a une douzaine d’années.