Le 05.07.1975 je me suis présenté – muni de quelques années d’économies et des dons familiaux consécutifs à l’obtention du bachot - au magasin Lafargue et Précy, 63, rue Paradis à Marseille (qqs fossiles Phocéens ont peut être connu ?) pour acheter un Nikon F, le vrai, le noir, le même que Raymond Depardon et Gilles Caron.
Au comptoir : déception, le F n’est plus fabriqué, y’en a plus, même pas un vieux fond de stock en téléphonant chez Brandt frères…nibe, nada, plus rien. La solution : acheter un F2 noir de dépit et plus cher de 20% au moins, consultation des fonds de poche, ça ira et c’est comme ça que je me retrouve avec un F2 inhérent au temps mis à économiser.
Chalon sur Saône 1983, ville du Nicéphore, bourse photo devant l’église, je tombe sur un F un vrai, noir, avec marqué Nippon Kogaku dessus (de 1967) à peine éraillé mais fonctionne comme au premier jour y compris le FTn j’suis fauché comme d’habitude, mais je craque.
Paris 1986, Monsieur le marchand me reprends mon beau Kogaku et me refile en échange de quelques sous un Nikon F (1969) avec F36 tout aussi bô, mais un peu écaillé aussi, je l’ai toujours et l’utilise encore.
J’ai toujours mon F2, avec les années j’y ai collé un MD2, comme je suis soigneux il est beau, pas éraillé, fonctionne comme s’il était neuf, j’l’aime bien mais sans plus, il est bien plus lourd que le F3 et puis je me pense qu’à 12 ou 15 malheureux mois près j’aurais pu avoir et conserver, religieusement, un chouette Apollo ( comme y disent les ricains) quasi-neuf ! Du coup, mais là je radote j’ai acheté ce printemps un F de 1964 (j’me suis gouré dans l’année la dernière fois) chromé mais avec un prisme en toit que c’est le plus plus.
Pour conclure ce roman, comme je suis sympa (enfin c’est que mon avis !!) je me suis dactylographié pour vous les morceaux choisis du fascicule de CHENZ édité par Zoom et intitulé NIKON STORY qui prouvent sans contestations possible que le seul Nikon, le vrai mythique c'est le F. J’espère simplement que ça va passer dans l’espace réservé aux Mails de Nikon Passion. Je pense que les phrases – non dénuées d’humour du regretté CHENZ nikoniste passionné et technicien hors pair s’il en fut- feront l’effet de la madeleine à tonton Proust à certains fossiles: je re-cite:
« un couplage mécanique astucieux à la fameuse fourchette permet l’affichage du diaphragme maximum de l’objectif par une manipulation simple qui deviendra rapidement un tic de photographe. »
et à propos du F2 par rapport au F :
« équipé du dos ouvrant indispensable aux photographes ne disposant que d’un nombre limité de mains »
CHENZ extraits de NIKON STORY:
« On ne va pas contre l’Histoire, et celle-ci avait vraiment pris un tournant définitif en 1959, avec la sortie de l’appareil le plus réussi jamais fabriqué ; le prestigieux et unique NIKON F…
Mais qu’a t’il donc, ce F sur lequel tous les photographes de la planète se ruent dès qu’il en ont connaissance ?
Pas grand chose finalement :tous ses éléments figurent à cette époque dans d’autres marques, sa technologie est connue et n’a rien de révolutionnaire : simplement, il est achevé dès sa sortie. Le nom de son concepteur reste inconnu, au contraire de celui d’Oscar Barnack, concepteur du Leica, qui aura quand même mis trente ans pour arriver à un formule vraiment exploitable. Le Nikon F reprend une technologie connue et sûre : le mécanisme est totalement dérivé du Nikon SP, qui en 1959 avait déjà deux ans: c’est l’occasion de remplacer dans les deux modèles le rideau en toile traditionnel par un rideau métallique en titane, qui sera pour beaucoup dans le succès de l’appareil. Le Nikon F reprend la structure modulaire très en vogue à l’époque, avec entre autres les viseurs interchangeables, mais présente deux réelles nouveautés: les dépolis également interchangeables ce qui permet de les adapter au mieux au travail effectué, et le dos motorisé, directement issu de celui du Nikon SP, au point que de nombreuses pièces sont communes. Cette motorisation, qui fera plus tard un triomphe, au point que l’on ne peut plus maintenant imaginer un appareil qui en fût dépourvu, est encore dans ses débuts, et ses concepteurs ne l’imaginent pas d’usage courant : l’alimentation est assurée par un étui de huit piles rondes moyennes, reliées par câbles à l’appareil, le déclenchement se faisant depuis l’étui ou depuis le dos de l’appareil. Mais nous avons déjà la motorisation au coup par coup, ou en rafales avec une cadence maximale de 4 images/sec. A cette époque, la motorisation avait été limitée à un modèle Leica, et au robot, tous deux entraînés par ressort. Le moteur électrique est une véritable première.
Autre raison du succès immédiat du Nikon F :il sort dés le début accompagné de son système :viseurs, moteur, accessoires divers , et surtout une collection remarquable de 13 objectifs, dont un 58 mm de 1.4, d’une qualité qui a subjugué tous les opérateurs de l’époque et qui le fait toujours rechercher activement, et le premier télézoom :85-250 mm f/4, objectif énorme, monstrueux, mais que tout photographe bien né devait avoir dans ses collections. Tous les objectif, sauf le zoom, recevaient la même monture de filtre :52 mm de diamètre, ce qui était également une première fort appréciée ; le dernier point, cette étrange fourchette qui dépassait de la monture, et qui déplaisait de prime abord, n’a vraiment révélé ses possibilités que bien plus tard.
Système achevé, donc et l’expérience du Nikon SP lui a donné une fiabilité à toute épreuve dés les premiers modèles : les conditions du succès étaient réunies, ce fut un triomphe. Si l’on se reporte aux technologies de l’époque , on constate que les posemètres incorporés à l’appareil sont inexistants, faute de composants électroniques convenables ; la seule cellule existante est la cellule au sélénium imposant des éléments sensibles de grandes dimensions : le F dispose d’une telle cellule, adaptable au boîtier, mais immédiatement démontable, couplé aux vitesses et au diaphragme, par la fameuse fourchette. Cette cellule, trop encombrante et peu sensible n’aura pas un bien grand succès ;mais par la suite, l’apparition des cellules miniaturisées au sulfure de cadmium, puis au silicium vont permettre la réalisation du vieux rêve : la mesure TTL, chaque marque proposant un boîtier à cellule intégrée rendu immédiatement obsolète par le progrès technique, le Nikon F restera identique à lui même, le changement de technologie se traduisant simplement par un changement de viseur, le couplage aux vitesses et au diaphragme se faisant toujours selon la technique imaginée en 1959 ; ce couplage autorisera même l’automatisation du diaphragme sur des objectifs réalisés alors que cette automatisation ne pouvait même pas être rêvée…..
Le Nikon F va connaître sa version achevée à partir de 1968, avec l’apparition du viseur photomic FTn, qui offre enfin un automatisme de manipulation satisfaisant : un couplage mécanique astucieux à la fameuse fourchette permet l’affichage du diaphragme maximum de l’objectif par une manipulation simple qui deviendra rapidement un tic de photographe. Il reste au Nikon F encore trois ans à vivre pendant lesquels sa diffusion va encore s’étendre ; Nikon est alors la marque de rêve, et ne craint aucune concurrence ; les apprentis photographes économisent des années pour s’en procurer un, et la marque fait son entrée comme nom commun dans les romans de San Antonio….
Le F2 par rapport au F:
Et la Nippon Kogaku réédite le coup qui lui avait si bien réussi avec le Nikon F :sortie d’un système complet, élaboré, terminé, tous accessoires prêts et disponibles : boîtiers, moteur, alimentation compacte ne font désormais plus qu’un ensemble au design nettement plus arrondi, s’opposant aux formes anguleuses du Nikon F : le limeur inconnu a encore frappé ! Mis au goût du jour, débarrassé des contraintes qui pesaient sur le Nikon F, comme cette commutation des retards de synchro indispensable à l’époque des lampes flash, mais périmée en 1970 qui voit le flash électronique triompher définitivement, équipé du dos ouvrant indispensable aux photographes ne disposant que d’un nombre limité de mains, compact, lourd, fonctionnel, le Nikon F2 renvoie d’un seul coup à ses chères études un Canon F1 tout empêtré dans ses fils. Le règne est de nouveau assuré pour longtemps.
Bizarrement, le F2 est accueilli fraîchement par les professionnels, comme d’ailleurs en son temps le Leica M3. Baroudeurs bronzés sous les tropiques des studios ou des missions lointaines, les photographes se sont pris d’affection pour cette bête hérissée de partout qu’était devenu le Nikon F muni de son moteur, de son alimentation, et de son photomic FTn. Tout cela était bien pratique, fonctionnel, mais les ajouts successifs avaient fini par gâcher la ligne. Seulement …ils étaient tellement habitués à vivre avec un F que le F2 leur paraissait chose fragile, appareil de minet. Quelques nouveautés technologiques non encore dûment testées et éprouvées introduisant quelques ennuis dans les premiers modèles les confortèrent dans leur opinion. Le F2 équipé de série du viseur à cellule DP1, cellule CDS à mesure pondérée mettra plusieurs années à s’imposer, et il faudra littéralement « tuer » la chaîne des F pour en venir à bout. »